Nous sommes confrontés à une situation inouïe qui a balayé la planète et a mis à mal en à peine quelques semaines notre système de santé, notre économie, notre mode de vie.
Personne n’avait prévu ni n’aurait pu imaginer un tel bouleversement en si peu de temps.
Toutes nos certitudes ont vacillé, nous avons dû nous adapter, repenser notre quotidien, nos relations avec autrui, nos projets, nos envies, et attendre, sidérés, impuissants, en proie à la peur de voir nos proches contaminés, ou d’être contaminés nous-mêmes.
Bien que professionnels de santé, nous n’étions néanmoins pas préparés à ce que nous avons dû affronter.
Certains d’entre nous ont travaillé dans des établissements de santé parfois mal équipés, en sous effectifs, en proie à l’épuisement et à l’incertitude. D’autres ont dû rester chez eux, en raison de leur santé ou pour garder leurs enfants. Certains encore ont assumé des soins à domicile pour prendre en charge des patients dans des conditions souvent inacceptables, sans masques dans les premières semaines. D’autres encore ont maintenu le lien avec leurs patients bénévolement, en leur prodiguant des conseils, des soins par téléphone ou vidéo, jusqu’à la parution tardive de l’arrêté autorisant le télésoin.
Je sais à quel point les deux derniers mois ont été difficiles. Ils l’ont été pour tous les Français mais peut-être encore plus pour nous, soignants, confrontés à une maladie dont on ne savait rien.
Depuis l’apparition du virus sur notre territoire, j’ai tenu à ce que l’Ordre assume pleinement son rôle de guide en établissant une doctrine commune pour notre profession. Les Conseillers nationaux et moi-même nous sommes attachés à établir des recommandations adaptées à la situation épidémiologique et aux consignes gouvernementales.
Nous avons dans un premier temps rassemblé toutes les informations dont nous pouvions disposer, répondu à vos questions le plus rapidement possible. Foire aux questions, infographies, guides pratiques, nous vous avons assisté de la façon la plus pratique possible.
Pendant toute cette période, les élus ordinaux, dans vos conseils départementaux, régionaux et national se sont mobilisés à vos côtés. Ils sont comme vous kinésithérapeutes en exercice, leur travail dans les hôpitaux, les établissements de santé, les EHPAD et à domicile, ainsi que leurs investigations dans leurs territoires nous ont permis de suivre précisément la situation et les difficultés que vous avez pu rencontrer.
Forts de ces informations de terrain, nous avons sans relâche rappelé la place des kinésithérapeutes dans la gestion de la crise. Nous avons alerté le gouvernement sur les problématiques que vous rencontriez, relayé vos inquiétudes et vos difficultés.
J’ai ainsi alerté à plusieurs reprises le ministère des Solidarités et de la Santé ainsi que les ARS, notamment sur le manque parfois dramatique d’équipements de protection individuelle ou encore sur la situation financière inquiétante des kinésithérapeutes libéraux qui ont fermé leurs cabinets. J’ai également demandé aux collectivités et aux préfectures de veiller à inclure les kinésithérapeutes lors des distributions de protections et notamment de masques.
A tous les échelons de l’Ordre, vos conseillers ordinaux ont également sollicité leurs élus pour faire entendre votre voix. Grâce à ces interventions, plus de 60 députés et sénateurs ont sollicité le Gouvernement sur les sujets essentiels pour notre profession pendant cette crise sanitaire, comme les difficultés économiques des professionnels de santé libéraux, la pénurie de kinésithérapeutes en établissements de santé ou encore l’ouverture du télésoin à notre profession.
Je sais que vous avez été nombreux à solliciter les élus départementaux et je les remercie ici de s’être rendus si disponibles.
Je sais aussi que certaines décisions que nous avons prises ont été mal comprises. A l’évidence nous aurions dû prendre le temps de mieux les expliquer, même si du temps nous n’en avions pas, tant les questions étaient pressantes et les attentes grandes, nos décisions évoluant en fonction des changements de la situation épidémiologique et des informations dont nous disposions.
Nous avons fait des choix guidés par l’intérêt collectif pour protéger votre santé et celle de tous nos patients.
Vous avez constaté que certains de nos efforts ont payé puisqu’enfin nous sommes dotés dorénavant de masques en nombre important, permettant de prendre en charge nos patients avec plus de sécurité. Même s’il est regrettable que le gouvernement ait tardé à répondre à nos besoins, c’est aujourd’hui chose faite.
J’ai alerté également les pouvoirs publics sur la situation inéquitable que subissent les kinésithérapeutes qui se voient refuser l’accueil de leurs enfants dans les établissements scolaires contrairement à d’autres professionnels de santé. Je suivrai également ce dossier et ne manquerai pas de vous tenir informés de son évolution.
Néanmoins la situation sanitaire de notre pays ne nous permet pas un retour à une vie normale dans l’immédiat. A la crise sanitaire s’ajoute une crise économique sans précédent, que vous subissez aussi.
L’Ordre n’est pas impliqué dans les négociations relatives à des aides financières. Ceci incombe à vos syndicats représentatifs.
Mais nous avons une mission d’entraide professionnelle, à laquelle nous consacrons chaque année un budget important.
C’est ainsi que nous finançons avec les autres ordres une plate-forme d’appels téléphoniques vous permettant de recevoir une aide et une écoute en cas de besoin.
Mais nous souhaitons aller plus loin. C’est pour cela que j’ai demandé au Conseil national la possibilité de débloquer une aide exceptionnelle pour vous assister dans cette période difficile. C’est plus d’un million d’euros que nous avons décidé de mobiliser. Ce fonds exceptionnel a permis de faire fabriquer 60 000 visières de qualité, confortables, durables, afin de mieux vous protéger lors des soins que vous prodiguerez à vos patients. Elles sont en cours de distribution.
Il doit aussi doter une enveloppe d’entraide pour soutenir financièrement nos confrères qui auraient été trop durement touchés par les conséquences de la fermeture des cabinets. Les conditions d’attribution, en cours d’élaboration, vous seront communiquées prochainement.
Enfin nous devrons tirer les enseignements pour notre profession des suites de cette crise sans précédent.
Les kinésithérapeutes ont un rôle central à jouer dans ce qu’on appelle déjà « le monde d’après ». Cet épisode bouleversant doit nous permettre de repenser le système de santé ; cela doit devenir une priorité dans la nouvelle ère qui s’annonce.
Vous êtes au cœur de l’offre de soin et j’ai besoin de votre avis.
Dans quelques semaines nous lancerons une enquête pour recueillir vos contributions. Elles serviront de base à l’élaboration d’un document destiné à alimenter cet indispensable débat national.
Le temps est venu pour notre profession de faire valoir son apport indispensable à la bonne santé de nos concitoyens.
Je sais pouvoir compter sur votre engagement. Il en va de la santé de tous.
Soyez assurés, chères consœurs, chers confrères, de mon engagement à vos côtés, de mon admiration pour votre action et de mon soutien sans faille.
Pascale MATHIEU
Présidente du Conseil national de l’ordre
des masseurs-kinésithérapeutes